Esprit des festivités
« Tombé à genoux dans l’odeur fauve de l’humus forestier, Hubert décida de se consacrer désormais à l’amour des autres, subjugué qu’il était par cette extraordinaire apparition et vaincu par la croix qui étincelait entre les bois du puissant animal, dont la silhouette ne fut plus bientôt qu’une fumée odorante qu’un coup de vent d’équinoxe dissipa... »Extrait de « La légende dorée de saint Hubert » dans l’ouvrage de Willy LASSANCE, Saint Hubert, Éditions du Perron, 1991, pages 5-6.
La ville de Saint-Hubert a la chance de bénéficier du patronyme attaché à cette légende fascinante qui a associé à la conversion historique d’un homme de haute lignée des VII-VIIIe siècles le mythe du cerf et la féerie de l’Ardenne. Pour répondre au besoin de merveilleux des foules et assurer un rayonnement bien au-delà de l’Ardenne, elle a été construite par les moines de l’abbaye d’Andage qui a pris le nom de Saint-Hubert depuis qu’elle a bénéficié, le 30 septembre 825, du transport (la « translation ») du corps intact du saint depuis la ville de Liège où il reposait depuis son décès survenu le 30 mai 727.
En 2025, la ville de Saint-Hubert fêtera ainsi le 1200e anniversaire de la translation du corps du saint et en 2027, le 1300e anniversaire de sa mort, ainsi que le centième anniversaire de l’élévation de l’église abbatiale en basilique intervenue le 29 mai 1927 à la faveur de festivités éblouissantes qui ont attiré des milliers de personnes.
Ce triple jubilé offre une occasion unique pour ancrer durablement la ville de Saint-Hubert dans l’imaginaire collectif et pour lancer une réflexion sur ce que peut signifier aujourd’hui le phénomène de la conversion.
La vie et la légende merveilleuse de saint Hubert, point de départ d’une abbaye au rayonnement exceptionnel
Il s’agira d’abord de faire connaître l’histoire d’Hubert, la construction progressive de sa légende, sa popularité en tant que guérisseur de la rage, le très large rayonnement territorial de l’abbaye qui porte son nom et l’extension exceptionnelle de l’appellation « Saint-Hubert » qui a débordé le cadre national et même européen. On trouve des églises et autres établissements, confréries et associations dédiés à saint Hubert jusqu’aux Etats-Unis, au Canada et au Brésil !
Le transport du corps de saint Hubert sera rappelé par l’organisation d’une « marche de la translation » en trois jours entre Liège et Saint-Hubert. La décision de priver la ville de Liège du corps du successeur de saint Lambert pour renforcer l’évangélisation de l’Ardenne encore mélangée de christianisme et de paganisme a nécessité l’intervention des plus hautes autorités religieuses et civiles du début du neuvième siècle. Cette histoire étonnante sera racontée dans une pièce de théâtre (un « jeu » ou des saynètes).
Ardenne, terre de légendes
La légende de saint Hubert a pris naissance au cœur de la forêt ardennaise. Une terre de légendes, récits indissociables du paysage qui les a façonnés. Nutons, fées, sorcières et diables ont investi les lieux. Leurs histoires méritent aussi notre attention.
Mais l’Ardenne est également une terre de merveilles naturelles. Cet aspect devra apparaître comme un contrepoint bien réel au monde légendaire.
La forêt et ses légendes ont été une source d’inspiration pour toutes les formes d’art depuis toujours. Y compris la musique et pas seulement par l’emploi du cor.
Bois et brame du cerf
Si l’Ardenne sert d’écrin à la légende de saint Hubert, le cerf en est, avec Hubert, le personnage central. Rien d’étonnant à cela. Il est le roi de la forêt depuis la préhistoire, captivant les humains par ses bois et son brame ; il est symbole de perpétuelle renaissance et de puissance sexuelle. Lui aussi est donc associé à d’innombrables légendes.
Par l’effet d’un beau paradoxe, saint Hubert a cessé de chasser depuis sa conversion, mais il est devenu le patron des chasseurs, et Saint-Hubert peut se targuer du titre de Capitale européenne de la Chasse et de la nature. Comme en 1927, une exposition sur la vènerie sera organisée. Saint-Hubert est aussi la ville de référence par excellence de tous les sonneurs de trompe, ce qui lui a valu le titre officiel de « capitale de la trompe ». Aussi, de nombreux concerts et des concours seront organisés pour attirer les meilleurs sonneurs de toute l’Europe.
Il est à noter que toutes ces composantes (saint Hubert, l’Ardenne et le cerf) sont richement illustrées depuis la préhistoire jusqu’aux artistes d’aujourd’hui (comme Gloria Friedmann ou Frieda Kahlo par exemple) en passant par les miniatures et enluminures du Moyen-Âge et les grands peintres de la Renaissance. L’iconographie est donc surabondante.
Ce récit merveilleux sera traduit notamment en une exposition immersive et un spectacle vivant. L’un et l’autre seront avant tout (comme le Petit Prince) dédiés aux enfants. Mais comme pour le Petit Prince, nous savons que les adultes en seront friands aussi. Ces moments d’émotion partagée seront aussi conçus pour conduire les spectateurs vers la thématique plus profonde qui est au cœur de la vie et de la légende de saint Hubert : celle d’une conversion.
En résonance avec saint Hubert, oser changer de voie ?
La légende de saint Hubert illustre une expérience de conversion radicale que nous pouvons faire nous-mêmes dans les domaines les plus variés, non seulement celui de la spiritualité, mais aussi ceux de l’art, de la morale, ou de la vie politique et sociale. Quand nous sommes profondément émus, touchés au plus profond de nous-mêmes par une rencontre avec une personne, une population, un paysage, une idée ou une œuvre d’art, nous pouvons vivre une expérience forte de « résonance » qui nous conduit à voir le monde autrement, à penser autrement et à agir autrement. C’est bien ce qu’a dû vivre saint Hubert. Sa conversion nous invite ainsi à la réflexion sur ce qui doit peut-être changer dans nos propres vies individuelles et collectives.
Nous sommes en effet confrontés à des défis d’une ampleur et d’une gravité inédites. Parmi tant d’autres phénomènes préoccupants pour l’avenir de la planète, l’effondrement climatique, la biodiversité en péril et un mode de développement économique profondément inégalitaire nous obligent à nous demander s’il ne faudrait pas changer de voie. Il ne nous appartiendra pas de dire laquelle choisir, mais nous pourrons au moins méditer collectivement sur la nécessité ou non de changer de voie dans tel ou tel domaine et sur ce que signifie une conversion pour celles et ceux qui en ont pris le chemin.
Le thème des conversions religieuses et non religieuses « en résonance avec saint Hubert » sera ainsi exploré sous différents registres :
- dans des productions artistiques : littéraires, picturales, musicales, théâtrales…
- dans des expositions, des rencontres, des colloques dédiés à l’histoire ou à des thèmes comme l’écosystème forestier, tellement important dans la crise climatique que nous connaissons.
- des débats sur nos modes de consommation.
- des débats sur les modalités de la chasse, souvent décriée, mais nécessaire chez nous vis-à-vis de certains gibiers.
Si Saint-Hubert se cherche un devenir, il est sans doute là : devenir un lieu d’émotion et de réflexion, un lieu incontournable de présentation, de mémoire de la plus grande des légendes ardennaises, et un lieu de réflexion sur les changements de voie que notre époque appelle « en résonance » avec la conversion de saint Hubert.